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Une fois que vous aurez mises en application les trois premières leçons,
il convient de commencer votre véritable travail d'anti-manager, à savoir la destruction de chacun
des membres de votre équipe. La première étape pour cela consiste à leur ôter
peu à peu leur humanité (concept qui pour tout bon anti-manager n’existe qu’au
pluriel à l’université) et à bien
définir leur rôle de machine qu’il revient à vous de rentabiliser au maximum.
L’anti-management pourrait presque se résumer en ces deux principes : les
faire produire et les détruire. Explorons ensemble les bases de leur
déshumanisation.
1- Mettre une pression constante
pour la production
Il va de soi que pour en faire des machines, il faut
qu’ils intègrent rapidement le fait que leur seul et unique rôle est de
produire, le plus rapidement et le mieux possible, tout ce que vous leur
demandez. Quelques suggestions pour cela :
Définissez la productivité et le cash comme valeurs
phare de votre activité
Lors des « team meetings » ou de tout entretien
avec eux-que vous saurez limiter et ne pas
inclure dans leur agenda car c’est une perte de temps- appuyez fortement le
fait que ce qui compte, c’est le produit
fini et de qualité. Faites-leur comprendre que tant que vous n’avez pas sous la
main le produit achevé et validé par vos standards, leur travail est inutile et
donc inexistant. Qu’un jour où ils n’ont rien produit de tangible est un jour
perdu. Ajoutez bien sûr une notion financière pour étayer vos propos, montrant
combien ils vous coûtent – toujours trop
cher - par rapport à ce que leur production vous rapporte – jamais assez.
Faites leur sentir leur responsabilité directe dans le manque de cash dont vous
prétendrez souffrir de manière permanente. Un anti-manager doit sans cesse
avoir à la bouche les termes de cash, de productivité, de rentabilité et de
produits finis, afin que son équipe intègre peu à peu ces valeurs comme étant
l’étalon de leur performance, et s’y abandonne.
Augmentez la cadence
Une fois qu’ils commencent à intégrer leur rôle
d’ouvriers producteurs, ne leur laissez aucune chance de produire sereinement.
Tout d’abord et comme expliqué dans la leçon Nº3, soyez le maitre absolu de
leur agenda et de leur charge de travail. Qui doit largement dépasser ce que
vous pensez qu’ils sont capables de faire, ce qui veut dire qu’ils ne doivent à
aucun moment pouvoir tenir le rythme de productivité exigé. Il peut arriver que
certains- mais cela est souvent révélateur de piètres compétences
d´anti-management – gagnent en compétence et améliorent leur productivité.
Augmentez donc immédiatement à la fois leur charge de travail et vos exigences.
De même, si vous sentez un signe qu’une
tâche pourrait être effectuée efficacement, pointez du doigt le moindre défaut
minime que vous pourriez y trouver et demandez à ce que le travail soit refait.
De manière plus générale, augmentez subtilement la charge de travail de chacun
pour leur reprocher leur perte graduelle d’efficacité. Et une fois de plus
faites bon usage des problèmes supposés de cash pour justifier le « coup
de collier» que vous exigerez d’eux chaque semaine. Vous êtes certain de les
miner.
Maintenez-les sous stress
En plus de la quantité de travail, assurez-vous qu’ils
travaillent dans des délais extrêmement courts. Pour cela acceptez ou même
proposez d’envoyer au client ce qu’il demande- et même souvent ce qu’il ne
demande pas- sous quelques jours ou heures. Puis, ayant pris soin de rappeler,
problèmes de cash à l’appui, que c’est le client qui paye, exigez d’eux qu’ils
tiennent les délais. Et, dans la logique de contrôle présentée précédemment,
venez très régulièrement voir comment cela avance, exigez des points réguliers
ou mettez les dans votre bureau pour augmenter la pression. Lorsque de telles
contraintes externes n’existent pas, créez les en interne en décidant
unilatéralement de leurs délais pour chaque tâche attribuée, et en posant comme
règle d’or de la productivité le fait de « tenir ses délais ». Passez
régulièrement un savon à ceux qui ne les tiennent pas, augmentant ainsi le
stress de toute l´équipe. Et si certains arrivent à tenir leur délais au prix
d’énormes efforts, resserrez les ou donnez leur plus de travail dans le même
temps. Pour faire monter encore la pression
d’un cran, veillez à leur distiller tout au long de la journée des mini-tâches
« urgentes » pour perturber leur rythme et leur faire prendre un shot
de stress et une heure de retard. Si besoin faites de la rétention
d’information ou ne vous rendez disponible pour contrôler le produit fini que
très tardivement, obligeant des changements majeurs de dernière minute même aux
plus organisés. Vous êtes alors certain de générer stress et frustration en
quantité
2- Oublier le concept de vie privée
Il n’existe dans l’anti-management qu’une seule vie :
celle qui produit. Le reste, gardez bien cela en tête, n’a aucune espèce
d’importance. Il est donc capital que votre équipe oublie jusqu’au souvenir de
ce que peut être le respect de la vie privée et n’ait en tête que le travail et
son retard tous les matins et tous les soirs.
Trois aspects pour cela :
Montrez que votre vie c’est votre travail
Tout bon anti-manager est naturellement asocial et se
doit de cultiver cet aspect clé de sa personnalité. Un anti-manager ne cherche pas avoir une vie en
dehors de son travail- puisque cela n’a aucun intérêt- et passe donc le plus
clair de son temps (un minimum de 16h par jour est recommandé) à travailler ou
prétendre travailler. Votre équipe doit croire que vous êtes à tout moment du
jour ou de la nuit connecté(e) et en activité (vu le contrôle unilatéral mis en
place nul n’ira vérifier votre productivité).
Votre existence tourne intégralement autour de votre quotidien professionnel et de votre pratique
de l’anti-management, et il n’est pas question de chercher du plaisir ailleurs,
vous savez parfaitement que vous ne le trouveriez pas. Les anti-managers sont donc en général
célibataires ou séparés (l’ex partenaire ayant depuis longtemps montré ses
failles, que vous avez su exploiter jusqu’à contraindre sa fuite) et sans
enfants car ils n’en ont jamais voulu (et si par malheur ils sont quand même
venus le ou la partenaire les aura pris avec ses affaires en partant). Dans
quelques rares cas, il s’agit là plutôt des femmes, vous avez des enfants à
charge mais vous saurez, nounou à l’appui, vous émanciper totalement de toute
responsabilité ou envie de passer du temps avec eux, limitant donc la
contrainte évidente que ce type d’êtres représentent. Il est également tout à
fait inutile de garder des amis proches, encore moins un groupe d’amis, car eux
aussi ont depuis longtemps montré leur médiocrité et leur inutilité. Vous
pourrez maintenir un semblant d’amitié
s’ils peuvent servir vos intérêts professionnels immédiats, mais gardez vos
distances en prétendant être en permanence très occupé (e). Il doit être clair
pour tous que votre existence est exclusivement consacrée à votre métier d’anti-manager.
Agissez comme si votre équipe n’avait pas de vie
En conséquent, ne vous posez même pas la question de
savoir quelle pourrait être leur vie privée, prenez pour acquis qu’à partir du
moment où ils ont signés, leur vie, c’est vous. Il est donc clair que vous
attendrez d’eux qu’ils travaillent autant que vous prétendez travailler, et si
possible plus. Vous prendrez pour cela soin de rester aussi tard que possible
au bureau (en faisant votre shopping de noël sur internet par exemple) ou de
préciser si vous devez partir que cela ne signifie pas la fin de votre journée « je
me reconnecte quand j’arrive chez moi ». Faites totalement fi des horaires
« officiels » (embauchez les si possible au forfait cadre) et exigez
d’eux une réactivité de tous les instants. Equipez-les des blackberry les plus
performants dont vous vous assurerez qu’ils sont en permanence allumés en les
appelant à la première occasion « je voulais simplement te parler d’un
projet auquel j’ai pensé ce soir». Envoyez des mails dès 6h du matin et
jusqu’à 1h le matin suivant, week-end compris, en leur posant des questions et
en leur demandant de vous envoyer d’urgence des documents- en particulier si
vous pensez qu’ils n’ont pas pris leur ordinateur avec eux, ce qui donnera lieu
à une remise à l’ordre immédiate. Donnez
leur des tâches le soir et le vendredi en partant « je veux ce document
terminé sur mon bureau quand j’arrive demain », « Débrouille toi pour que ce soit prêt
pour lundi à 10h ». Relancez-les plusieurs fois par mail et n’hésitez pas
si vous le pouvez à imputer publiquement l’échec d’un projet potentiel au refus
« inacceptable » de rester travailler une nuit de plus. Si besoin est,
pour calmer l’exaspération des abonnés aux nocturnes, offrez leur des sushis et
dites leur, magnanime, de commander un taxi. Cela vous assurera de nombreuses
autres de leurs nuits. Et ce travail de sape portera ses fruits.
Gâchez leur vie privée
Si d’aventure certains parviennent à maintenir un
semblant de vie privée, attachez vous à l’infiltrer et la miner insidieusement.
Dès que vous pouvez, interrompez leur travail en fin de journée et retardez leur
départ du bureau en racontant en détail votre vie. Appelez-les tard le soir
pour leur parler d’un sujet qui ne les concerne pas (comme vos inquiétudes par
rapport à un autre membre de l’équipe) et tenez-leur la jambe au moins une
demi-heure, ils n’oseront pas raccrocher. Empêchez-les de prévoir des sorties
pendant la semaine en prévenant chaque lundi que « cette semaine on a
énormément de retard à rattraper, prévoyez de faire des nocturnes ».
Lorsqu’un gros projet doit être réalisé dans un délai très court, exigez qu’ils
annulent leur week-end en amoureux ou en famille pour rester au bureau avec
vous, quitte à seulement regarder les autres travailler. Et surtout ne vous préoccupez
jamais de leur santé ou de leur bien-être, en particulier s’ils cherchent à
prendre des vacances que vous n’avez pas planifiées vous-même « vous
prendrez tous au moins 3 semaines en Août et 2 semaines à Noël ». De même,
découragez les pauses sportives « tu es parti pendant une demi-heure ce
midi pour aller courir, où sont les modifications que je t’avais
demandé ? », si besoin en fixant les règles du jeu « désormais
c’est moi qui décide de vos RTT, et vous
poserez des demi-journées pour aller faire du sport ». Et lorsque vous
apprenez leur rupture amoureuse due à leur manque de disponibilité, emmenez les
diner en leur disant que ce partenaire n’était pas fait pour eux et les
freinait dans leur carrière. Puis donnez-leur de nouvelles tâches pour qu’ils
s’oublient dans le travail. Rien de plus efficace pour les faire craquer
physiquement et moralement.
3- Nier leur humanité
Au-delà de refuser leur vie privée, il faut aller encore
un peu plus loin pour répondre aux exigences de l’anti-management : il est
nécessaire de chercher à leur ôter le statut d’humain pour en faire de pures
machines que vous saurez user jusqu’à la corde. Deux suggestions pour cela:
Déshumanisez la relation
Au-delà d’éviter les relations adulte-adulte comme vu
dans la leçon Nº2, il est important d’enlever tout affect réel de vos relations
avec eux. Si vous pouvez et devez pour les manipuler faire montre d’un certain
nombre d’émotions (négatives en particulier) et partagerez généreusement des
éléments de votre vie pour leur faire perdre du temps, refusez-leur la
possibilité d’exprimer les leurs. Ne cherchez donc pas à savoir comment se
passe leur vie-puisque vous faites l’hypothèse qu’ils n’en ont pas- ou comment
ils se sentent dans telle ou telle tâche. Montrez leur bien que l’humain n’a
pas sa place dans le monde professionnel. Et si d’aventure ils pleurent devant
vous suite à une série de reproches violent qu’ils auront amplement mérités, ne
faites preuve d’aucune compassion et dites leur froidement « si je peux te
donner un conseil pour ta vie professionnelle, ne pleure pas ». Faites
leur bien comprendre que vous n’êtes pas et ne serai jamais leur ami(e), et
qu’avoir des émotions est une faiblesse dont vous n’avez aucune pitié, bien que
vous chercherez activement à les provoquer. D’une manière plus générale, montrez
que l’humanité qui ne vous sert pas n’a aucune valeur à vos yeux, et prenez
vous en régulièrement devant eux aux chauffeurs de taxi, femmes de ménages,
serveurs ou autres fournisseurs, piétaille pour qui vous avez le plus profond
mépris. Ils sauront à quoi s’en tenir.
Faites en des clônes
Puisque votre objectif est de tuer votre équipe, vous ne
chercherez surtout pas à donner aux spécificités de chacun de ses membres la
moindre possibilité de s’exprimer. Les tâches qu’ils doivent accomplir et le
résultant attendu étant sous votre contrôle total, l’identité propre de celui
qui les exécute n’a aucune espèce d’importance et ne doit en aucun cas se
traduire dans son travail. Veillez donc à ce que les produits finis soient
d’une standardisation et d’une uniformité exemplaire, niant de manière absolue
la personnalité de leur auteur (sauf s’il s’agit de la vôtre, auquel cas le
produit en débordera). Pour un bon anti-manager, le seul rendu qui vaille est
celui qui pourrait venir de lui ou elle-même. Expliquez donc à votre équipe
comment ils doivent penser, comment ils doivent raisonner et comment ils
doivent s’exprimer. En vous prenant comme exemple bien entendu. Découragez donc
systématiquement, et punissez s’il le faut, toute tentative de s’émanciper des
codes stricts –mais jamais clairement élucidés- de production. N’hésitez pas à aller
jusqu’à critiquer leur style vestimentaire ou leur langage pour qu’ils se
conforment rapidement. Et découragez d’une
manière générale toute initiative, sauf si elle permet d’augmenter directement
la productivité sans menacer votre contrôle. Mais reprochez-leur régulièrement
de ne pas avoir d’idée quand vous leur demandez spontanément d’en produire une
liste devant vous. Vous les verrez s’effacer et s’éteindre peu à peu.
En appliquant cette leçon et ses différents principes, il est certain que vous obtiendrez rapidement de
véritables robots, hagards, exécutant machinalement mais frénétiquement vos
tâches sans avoir le loisir de réfléchir ou de s’écouter. Vos fourmis ouvrières
seront alors corvéables à merci. Et il vous sera d’autant plus facile de les
écraser qu’elles seront remplaçables.