Comment tuer son équipe en 10 leçons? Leçon Nº 2 : Etablir une relation parent-enfant

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Une fois les bases d’une supposée confiance établies –voir leçon précédente- un deuxième aspect permettant de pérenniser son autorité est sans nul doute le type de relation que vous allez instaurer avec votre équipe. Et sur ce sujet tous les anti-managers concordent : il est impératif d’assurer que toute interaction sera de l’ordre du parent-enfant et jamais de l’adulte-adulte. L’anti-management ayant pour postulat de base votre supériorité naturelle sur l’équipe et une distance humaine aussi grande que possible entre vous et chacun de ses membres, chercher à avoir des relations d’adulte avec eux n’a aucun sens, et l’éviter devra  être votre priorité. Notez bien que dans le terme « parent-enfant », l’ordre n’est pas spécifié, vous laissant donc le choix de prendre successivement l’un ou l’autre des rôles, pourvu que jamais vous n’arriviez à l’équilibre qui déstabiliserait irrémédiablement votre assise.
Pour instaurer ce type de relation, quelques règles d'anti-management simples:


1- Les prendre au berceau :
Il va de soi que plus la différence d’âge entre l’anti-manager et son équipe est importante et plus il ou elle aura de facilité à instaurer une relation de type parentale avec eux. Il est donc préférable de choisir une équipe ayant au moins 15 ans d’écart avec vous et moins de 5 ans d’expérience professionnelle, autant que possible dans un domaine autre que le vôtre.
Le premier point vous permet à la fois de valoriser vos années d’expérience supplémentaires comme un argument indéniable au soutien de vos paroles, choix et actions, vous prémunissant ainsi d’une remise en question stérile puisque vous avez de toute façon raison, et d’être associé dans leur inconscient au « parent » en termes de génération, et au respect qui l’accompagne.
Le second point vous donne le rôle naturel de mentor, puisqu’ils ont besoin de vous pour comprendre non seulement comment fonctionnent le domaine dans lequel vous évoluez et vos méthodes propres, mais également pour comprendre les règles d’un monde qu’ils n’ont pas ou peu côtoyé. L’anti-management insiste fortement sur le nombre limité d’années d’expérience antérieures : en étant celui ou celle qui leur livre les clés du monde du travail « en général »  et en n’épargnant pas les leçons de morales et anecdotes- vraies ou fausses- corroborant vos actes, vous vous placez en véritable père ou mère spirituel qui va définir leur vision du monde du travail, vous laissant ainsi champ libre pour y instiller les valeurs et les règles qui vous servent. Moins ils ont de comparaison- ils pourraient avoir connu auparavant un piètre anti-manager leur donnant l’illusion qu’il était possible de s’épanouir au travail- mieux votre équipe se comportera.


2-  Les infantiliser :
Subtilement puis de plus en plus ouvertement, votre rôle d’anti-manager va être de leur donner le rôle de l’enfant en prenant celui du parent. Pour cela trois méthodes éprouvées :

Adressez vous à eux comme à des enfants :
Adoptez tour à tour un ton patient et pédagogue lorsque vous leur expliquez quelque chose la première fois- sans être vraiment bienveillant et surtout sans leur donner de perspective sur la tâche et son contexte, c’est inutile à leur niveau-  puis moralisateur et docte lorsqu’ils ne comprennent pas, enfin un ton sévère et plein de reproche lorsqu’ils font une erreur. Utilisez également le vocabulaire adapté, du « c’est bien, tu progresses» (au tout début), à « mais pourquoi tu as fait ça ? Enfin je ne comprends vraiment pas, je t’ai pourtant expliqué cela plusieurs fois ! » en terminant par « alors là ça ne va pas du tout, je suis très en colère, ce que tu m’as rendu est vraiment nul ». Ajoutez à cela l’attitude et le visage de circonstance, en jouant sur la gamme qui va du sourire condescendant au rictus ironique et aux sourcils froncés. Chacun de ces éléments les replongera immédiatement dans les affres de leur enfance, vous associant inconsciemment à leur père ou leur instituteur trop sévère, leur mère ou leur grand-mère trop exigeante, et vous serez alors à même d’obtenir d’eux ce qu’ils cherchaient désespérément à offrir à ces figures d’autorité : prouver leur valeur pour recevoir de l’amour ou de la reconnaissance.

Jouez de la récompense et de la punition:
 Mettez leur dès le début en tête qu’ils obtiendront votre reconnaissance et une récompense pour leurs produits finis de qualité parfaite (veillez à placer la barre extrêmement haut, bien au-delà des exigences que vous vous appliqueriez à vous-même) et dans les premiers temps, suggérez comment vous pourriez les gâter au moindre succès : invitez les dans de grands restaurants lors de leur arrivée, payez le champagne pour célébrer la première étape franchie avec succès, laissez les partir plus tôt « pour un repos bien mérité » après les premières nocturnes enchainées, etc, toujours en appuyant le fait que votre satisfaction dépend de leur production mais sans précisément fixer les règles de cette satisfaction- vous laissant ainsi le luxe de l’ajuster régulièrement vers le haut.
Dès que vous sentez un certain relâchement dans la recherche perpétuelle de cette perfection-s’ils font moins de nocturnes, ne travaillent pas le week end etc- changez de discours et passez à la menace. Comme le père secoue sa main devant ses enfants désobéissants en annonçant la gifle, usez de votre autorité pour leur faire sentir que vous avez le pouvoir de nuire s’ils ne filent pas doux, «si vous n’êtes pas capable de tenir vos délais, je vais prendre des mesures ! ». 
Mettez bien entendu vos menaces à exécution en prenant des mesures infantilisantes, comme soumettre votre équipe à une interrogation écrite le lundi matin pour vérifier qu’ils ont bien lu les documents distribués, exiger d’eux qu’ils fassent à la main chaque graph qu’excel pourrait sortir en quelques clics, s’asseoir à côté d’eux et regarder comment ils travaillent etc. Ce genre de punition dissuadera rapidement toute tentative de résistance tout en augmentant votre pouvoir de nuisance.

Grondez-les pour la moindre bêtise:
A la moindre occasion, que votre exigence en constante croissance fournira rapidement, faites-leur sentir qu’ils ont fait une bêtise et grondez-les. Soyez subtil là aussi, il faut au départ pour maintenir l’illusion de votre confiance et de votre magnanimité accepter une ou deux petites erreurs que vous allez simplement corriger sur un ton ferme et légèrement impatient, mais sans vous emporter. Par contre assez rapidement trouvez une occasion de sortir de vos gonds et de les réprimander violemment, si possible devant témoin pour accentuer l’effet. Sans leur expliquer précisément leur faute-ils sauront bien trouver en eux-mêmes une faiblesse qui pourrait mériter ces réprimandes, faites leur comprendre qu’ils ont très mal agi, qu’ils vous ont déçu et qu’ils ont énormément baissé dans votre estime, ôtant ainsi toute possibilité de reconnaissance de votre part sans rédemption profonde. Vous pourrez au choix utiliser un ton glacial et coupant, lacérant méthodiquement leur travail et leur ego en leur faisant bien sentir qu’ils n’ont rien compris à la vie et que vous leur faite un cadeau de les remettre sur les rails en leur parlant ainsi, ou un ton emporté et direct, giflant sans ménagement leur amour-propre et leur sensibilité sans leur laisser la moindre chance de se défendre. Il va de soi qu’il ne s’agit pas de leur permettre de se justifier, prenez donc soin de ne pas les laisser s’exprimer. Jouez seulement sur la corde de la peur et de l’amour propre en leur faisant sentir qu’ils ne valent plus rien à vos yeux- vous le seul juge qu’ils estiment impartial dans leur  travail. S’ils pleurent tant mieux, mais ne leur laissez pas le plaisir d’exprimer leur émotion devant vous-ce qui est une forme de communication et de défense. Enfoncez le clou de leur faiblesse en leur demandant de ne pas pleurer devant vous. Par contre lorsque vous les abandonnez au fond du gouffre, il est impératif pour l’anti-manager de revenir rapidement à la normale, en souriant et en étant d’humeur égale, montrant bien que vous avez un parfait contrôle de vos émotions quand eux en sont incapables. Et qu’ils peuvent reprendre le travail avec vous immédiatement comme si de rien n’était. Leur rancœur et leur colère, étouffée, ne pourra donc que se tourner vers eux-mêmes dans une dynamique d’autodestruction sur laquelle nous ne saurions trop insister.


3- Jouer l’enfant terrible :
S’il se présente des occasions où le rapport de force avec votre équipe pourrait s’égaliser- comme une erreur que vous auriez commise et qu’ils auraient détectée ou une période sans trop de fautes importantes de leur part, un bon anti-manager doit pouvoir sans hésitation endosser le rôle de l’enfant. Quelques suggestions pour y parvenir efficacement :

Faites des caprices:
Donnez leur des ordres irrationnels et implacables pour les pousser à bout dans leur travail : demandez par exemple de modifier un document puis, en cas d’erreur de votre part et plutôt que de l’admettre, prétendez avoir changé d’avis « finalement reviens à la version précédente, c’était mieux, mais ajoutes aussi ceci et cela » et, pour ne pas leur laisser la possibilité de réfléchir à votre responsabilité, reprochez-leur leur manque d’efficacité à cette occasion « ce document aurait dû te prendre deux heures, quand auras tu fini ?». Lorsqu’ils sont mûrs, ce genre de comportement irrationnel ne pourra que les affaiblir davantage.

Boudez:
Si vous avez la moindre raison de craindre une discussion sérieuse avec un membre de l’équipe suite à un accrochage, boudez. Restez dans votre bureau en refusant tout dialogue, renvoyez-le s’il frappe et ne répondez pas à ses mails sauf pour exiger le travail qu’il vous doit. Il finira par se lasser ou par vous donner une raison de le gronder et donc de remettre le dialogue dans le bon contexte.

Piquez des crises:
En désespoir de cause, lorsque vos efforts d’anti-management se sont légèrement relâchés et que vous sentez un vent de remise en question de votre autorité, piquez des crises de rage démesurées. Au moindre pas de travers d’un membre de l’équipe- un document pas imprimé pour une réunion, une faute de traduction etc, évitez à tout prix toute discussion constructive : au contraire, hurlez sur toute l’équipe quelques phrases irrationnelles et blessantes, prenant à parti la personne initialement responsable «Y en a un je ne sais pas à quoi je le paye, vous êtes tous nuls, j’en ai marre, je vais tous vous virer! » avant de sortir en claquant la porte. Revenez comme si de rien n’était quelques minutes plus tard. La personne ayant involontairement déclenché ce cataclysme s’en remettra difficilement, les autres ne sauront  plus à quoi s’en tenir.


Ce caractère imprévisible de vos relations vous assure un ascendant majeur sur eux puisqu’ils feront tout ce que vous exigez pourvu que cela prévienne une nouvelle « crise ». Et amène un dérèglement émotionnel des membres  de votre équipe lié au stress inhérent à cette situation, terreau fertile à leur élimination programmée, à laquelle vous allez pouvoir vous consacrer.


Comment tuer son équipe en 10 leçons? Leçon Nº1: Amadouer pour mieux régner

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Le présupposé fondamental de l’art de l’anti management, celui qui vous permettra de mettre en application ses principes, consiste à asseoir et maintenir une autorité absolue sur votre équipe. Si la grande majorité des anti-managers assoient leur autorité de manière aussi naturelle que brutale, ce qui a le mérite d’être rapide et efficace, cela nécessite toutefois un charisme et une présence physique dont sont souvent dépourvus les maitres de l'anti-management. Ceux-ci, peu gâtés par la nature- petits, chétifs ou corpulents, décrépis ou défraichis avant l'heure- ont mis au point des processus aussi subtils qu'efficaces pour asseoir leur autorité. 

Voici quelques clés pour vous permettre de vous approprier et de mettre en pratique ces processus- parfois contre-intuitifs :


1- Avoir un prix d’entrée dans l’équipe élevé :
Il est extrêmement important que chaque membre de l’équipe comprenne l’honneur que vous lui faites en lui permettant d’y entrer. Plus le prix d’entrée paraitra haut et plus votre pouvoir sur l’équipe sera grand. Une personne valorisée est une personne vulnérable, notez le bien.
Pour cela plusieurs moyens, que vous êtes encouragé à combiner:

Faire partie d’une société extrêmement sélective qui communique de manière extensive sur le fait qu’elle ne compte parmi ses rangs que la crème de la crême (c'est-à-dire autant que possible des clones du diplômé d’une des meilleures écoles de commerce ou d’ingénieur, blanc, français, cultivé, catholique, hétéro et de droite- de préférence un homme). Ce qui implique de ne poster les offres que sur Manageurs.com et de refuser d’entrée de jeu tout ce qui ressemble à un parcours un peu exotique. Vous n’êtes pas là pour faire du social et intégrer le rebut de la société.

Mettre en place un processus de sélection complexe, aussi opaque que long, où les candidats ont au moins trois tours à passer, avec études de cas, questions pièges et autres tests visant à écrémer les « originaux » que votre vigilance aurait laissé passé. Montrer que vous êtes sans cesse en recrutement mais en ne recrutant que très rarement est également recommandé pour attiser l’ego des « happy fews ».

Proposer des salaires au dessus de ce que le candidat demande. Il demande 50, offrez 55. Ou 60. Tout le monde ne peut pas se le permettre mais cette stratégie augmente encore pour le nouvel entrant la perception de sa valeur à vos yeux et le coût de son départ, ce qui encore une fois est un élément clé de votre ascendant sur cette personne.



2- Montrer un semblant de sollicitude les premiers jours:
Ce deuxième élément est certainement celui qui vous demandera le plus d’effort car il est très peu naturel. Le terme sollicitude est difficile à entendre je le conçois. Cependant la théorie de l’anti management veut que la gentillesse initiale endorme la méfiance et la capacité de résistance, vous permettant d’avoir une prise bien plus solide sur votre équipe dans le futur.

Attention, il ne s’agit pas de vous intéresser à leurs vies ou de chercher une amitié, il s’agit simplement d’avoir une attitude apparente de protection et de générosité tout en leur montrant votre exigence. Restez ferme et dirigiste bien entendu. En effet un nouvel arrivant, vous trouvant bienveillante, se jettera plus vite dans la dynamique d’exécution immédiate de vos ordres sans aucune tentation de les remettre en question. Vous pourrez également obtenir d’eux la révélation de leurs faiblesses que vous saurez noter pour une exploitation future.


3- Booster l’égo des nouveaux arrivants:
Ce dernier élément est également contre-intuitif mais rassurez-vous, ces efforts ne sont pas amenés à durer car ils portent leurs fruits rapidement. Il s’agit ici d’encenser les nouveaux arrivants, de les encourager, de leur faire croire qu’ils sont la pépite de votre équipe. Donnez leur immédiatement des responsabilités et des tâches, sans les former le moins du monde.

Assurez-vous qu’ils ont le moins de support possible pour commencer leur travail. Et dès la première tâche qu’ils accomplissent tant bien que mal, quel que soit son résultat, félicitez les, prenez les à part et dites leur combien vous êtes content d’eux, combien ils vous étonnent en bien, combien vous voyez si bien leur potentiel et le plaisir que vous en retirez. Les premières émotions qu’ils doivent ressentir est un mélange de fierté et de gratitude à votre égard.

N’hésitez pas à appuyer les éléments indéniables de leur véritable intelligence, comme l’école qu’ils ont faite, la bonne éducation qu’ils ont reçue, leur expérience professionnelle au sein d’un grand groupe reconnu pour son sérieux, etc. Ils n’auront alors plus aucun doute sur leurs capacités intrinsèques ni sur le fait que vous les admirez.

Pour ceux d’entre vous – et cela peut se comprendre- que ce genre de comportement « positif » hérisse, sachez que tout nouvel arrivant sera naturellement prêt à tout pour montrer sa valeur, donc vous ne devriez pas trop avoir à redire sur leurs débuts. Il suffira de leur dire la vérité de manière un peu exagérée et prématurée pour obtenir l’effet souhaité.

Vous pouvez en dernier recours utiliser l’option, beaucoup plus facile,  d’une comparaison positive avec les membres sortant- ou en voie de sortie- de l’équipe en appuyant sur leurs lacunes dont vous n’aurez aucun mal à vous souvenir. Soulignez cela par un comportement adapté en étant sec et sévère avec les anciens et mielleux et doux avec les nouveaux.  Vous éviterez par cela, et c’est capital, que les possibles médisances des « anciens » puissent influencer leur opinion de vous. Ils sauront qu’ils sont différents et meilleurs et se méfieront donc des autres.

Ainsi vous pouvez en l’espace de quelques semaines créer cette sensation qu’ils sont naturellement extrêmement doués pour leur poste et surtout établir une relation de dépendance à votre jugement.

C’est alors que vous pourrez passer à la seconde étape. Plus rude sera la chute, plus fort sera votre pouvoir.


NB : en cas d’arrivée concomitante de plusieurs nouveaux, arrangez vous pour leur tenir à chacun le même discours mais de manière séparée et en leur demandant la discrétion sur ce point. Ils vous l’accorderont si vous suivez bien les principes susmentionnés.